Pour une partie de chapitre 1, je dégrossis ma recherche documentaire autour d'une intuition : la réhabilitation psychosociale s'est constituée autour des recherches en humanités sur la psychiatrie. Alors j'ai prompté le modèle GPT 5.1 thinking avec un accès aux bases de données académiques. Et voici le résultat. Je l'ai trouvé très intéressant, donc je le garde ici, même si j'en utiliserai probablement pas grand chose pour ma thèse.
J’ai organisé mon prompt pour une déclinaison sociogéogaphique centrée progressivement sur la France : international → monde occidental → Europe → France.
Humanités médicales et réhabilitation psychosociale : apports éthiques, théoriques et pratiques à différentes échelles
Échelle internationale
Au niveau international, la réhabilitation psychosociale s’est construite en étroite résonance avec les humanités médicales, notamment par l’affirmation de principes éthiques universels. Les instances mondiales de santé mentale ont intégré des valeurs de dignité, d’autonomie et de droits humains directement inspirées de la philosophie et de la sociologie. Par exemple, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) promeut aujourd’hui une approche fondée sur les droits de l’homme, stipulant que toute personne a droit à une prise en charge respectueuse de sa liberté et à l’inclusion communautaire . Les abus autrefois fréquents dans les asiles (traitements coercitifs, isolement prolongé) sont désormais reconnus comme des violations des droits humains, ce qui a poussé à un mouvement de déshospitalisation (désinstitutionnalisation) mondial en faveur de soins en milieu ouvert. Ainsi, les Nations Unies ont adopté en 2006 la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), qui consacre le droit à la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique et encourage les États à remplacer l’enfermement par des services de proximité respectant la volonté du patient . Ces orientations traduisent l’apport de la philosophie du droit et de l’éthique médicale : elles établissent la primauté de la personne sur la maladie, et exigent la co-construction des décisions de soins (concept de shared decision-making). L’OMS elle-même souligne la nécessité de former les soignants à des services « qui promeuvent le rétablissement et le respect des droits humains » – une formulation qui témoigne de l’intégration explicite du langage des humanités (rétablissement, droits, autonomie) dans les politiques de santé globale.
Plusieurs institutions et mouvements internationaux ont joué un rôle clé en diffusant ces principes inspirés des humanités. La World Association for Psychosocial Rehabilitation (WAPR), fondée en 1986 lors d’un congrès à La Luzerne en France, s’est constituée comme ONG mondiale pour promouvoir la réhabilitation psychosociale . Dès son origine, la WAPR a collaboré avec l’OMS et s’est donnée pour mission la lutte contre le handicap social et l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux sévères . Son action s’appuie sur une conviction humaniste forte : la personne en souffrance psychique doit pouvoir vivre au cœur de la cité avec les mêmes droits que tout citoyen. La WAPR s’est ainsi engagée fermement pour la défense des droits humains des personnes avec handicap psychosocial, s’alignant sur le succès de la CDPH ratifiée par l’immense majorité des pays . On voit ici comment les valeurs portées par les sciences sociales et le droit international (droits de l’homme, non-discrimination, inclusion) ont fourni à la réhabilitation psychosociale un socle de légitimité éthique universelle.
Les apports théoriques des humanités se manifestent également par une remise en cause globale du modèle purement biomédical en psychiatrie. Des penseurs comme le sociologue Erving Goffman, dont l’ouvrage Asylums (1961) a eu un écho mondial, ont décrit l’effet délétère des institutions totales sur la personne malade, réduite à un statut d’“inmate” (interné) dépourvu d’autonomie . Ces analyses sociologiques ont nourri une critique humaniste de l’asile psychiatrique, renforçant internationalement l’appel à des soins communautaires plus humains. De même, l’historien/philosophe Michel Foucault, dans Histoire de la folie (1961), a mis en lumière la dimension sociale et politique de la définition de la folie, invitant à repenser le rapport soignant/soigné sous l’angle du pouvoir et de l’éthique. Ces travaux fondateurs ont armé la réhabilitation psychosociale d’une critique intellectuelle du paternalisme et du réductionnisme médical, justifiant la recherche d’approches centrées sur la personne et son récit de vie plutôt que sur la seule maladie.
Grâce à ces influences, la réhabilitation psychosociale s’est dotée d’assises éthiques et théoriques globales. Sur le plan des valeurs, elle prône la dignité inaliénable de la personne en souffrance psychique et son droit à l’autodétermination, valeurs universelles issues de la philosophie des Lumières et des droits de l’homme. Sur le plan conceptuel, elle intègre le modèle du rétablissement (recovery), né dans le monde anglophone mais adopté internationalement comme nouveau paradigme orienté vers l’espoir, la reprise de pouvoir d’agir (empowerment) et la reconstruction identitaire du sujet au-delà du diagnostic. Ce paradigme narratif – considérant l’histoire singulière du patient, ses objectifs de vie, ses compétences et aspirations – s’est diffusé via des publications de l’OMS et de la Banque Mondiale (rapport 2022 sur la santé mentale, etc.) qui insistent sur le témoignage des usagers et la prise en compte de leur vécu. “Rétablissement” est ainsi devenu un leitmotiv mondial en santé mentale, transformant le discours des politiques publiques : on est passé d’une narrative de la maladie incurable à une narrative de la possibilité d’une vie pleine de sens avec un trouble psychique .
Enfin, au niveau international, on observe des débats sur la mise en œuvre de ces principes humanistes. De nombreux pays aux systèmes psychiatriques traditionnels (souvent centrés sur l’hôpital) doivent composer avec une pénurie de ressources communautaires, ce qui crée des tensions entre l’idéal promu par l’OMS (fermer les hôpitaux psychiatriques, développer le logement accompagné, la pair-aidance, etc.) et la réalité de terrain. Par ailleurs, certains cliniciens ont pu exprimer la crainte qu’un discours trop centré sur les droits absolus du patient n’aille à l’encontre de considérations de soins et de sécurité (par exemple, comment concilier le refus de traitement d’une personne en délire avec son besoin de protection ?). Ces débats reflètent la tension classique entre l’approche biomédicale paternaliste et l’approche centrée sur l’autonomie issue des humanités. Néanmoins, la tendance internationale, soutenue par des organismes comme l’OMS ou la WAPR, va clairement vers un équilibre nouveau : développer des pratiques cliniques collaboratives (plans de crise conjointement préparés, décisions de soins partagées, représentation avancée du patient, etc.) pour concilier efficience thérapeutique et respect des droits. Par exemple, l’initiative QualityRights de l’OMS forme à la fois les soignants et les usagers à travailler ensemble pour améliorer la qualité des soins dans une perspective de rétablissement et de droits humains . Cette co-construction internationale du savoir et des pratiques de réhabilitation, fondée sur les humanités médicales, confère à la discipline une légitimité et un élan sans précédent à l’échelle mondiale.
Échelle occidentale (monde anglo-saxon)
Dans le monde occidental, en particulier anglo-saxon (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie…), la réhabilitation psychosociale a trouvé un terreau fertile dès la seconde moitié du XXᵉ siècle grâce à l’influence directe de mouvements sociaux et d’intellectuels imprégnés d’humanisme. Les années 1960-1970 voient émerger le mouvement des survivants de la psychiatrie (psychiatric survivors movement) parallèlement aux luttes pour les droits civiques. D’anciens patients psychiatriques, s’inspirant de la sociologie critique et de la philosophie des droits, commencent à dénoncer publiquement les traitements déshumanisants subis en hôpital. Des figures comme Judi Chamberlin (auteure de On Our Own, 1978) clament que les usagers doivent être acteurs de leur guérison et créent des alternatives communautaires autogérées. Cette lame de fond aboutit à une véritable révolution conceptuelle : les savoirs expérientiels des patients sont reconnus comme aussi valables que les savoirs académiques. Des consommateurs (patients) comme Chamberlin ou Pat Deegan (psychologue ayant vécu avec une schizophrénie) publient des témoignages qui ébranlent les certitudes cliniques en place. « Notre savoir vécu de la maladie mentale ne concorde pas avec votre savoir appris », affirment-ils aux soignants, « nous sommes capables d’avancer dans la vie – souvent malgré le système » . En d’autres termes, la voix narrative des usagers entre dans l’arène : c’est un apport direct des sciences du langage et de la sociologie qualitative, qui valorisent le récit subjectif face au discours médical objectivant.
Parallèlement, des pionniers de la psychiatrie communautaire apportent un appui théorique à cette évolution. Aux États-Unis, le psychiatre William Anthony est souvent considéré comme le père de la réhabilitation psychosociale (Boston University) : dès les années 1970-80, il développe une philosophie de soins basée sur le potentiel de chaque individu à vivre une vie satisfaisante dans la communauté en dépit d’un trouble sévère . Cette philosophie du possible s’oppose radicalement au pessimisme psychiatrique antérieur. Elle postule que « toute personne diagnostiquée d’une maladie mentale peut vivre dans la communauté dès lors qu’on lui en donne l’opportunité et les soutiens nécessaires (compétences, ressources, soutien social) » . Ce credo, qui fait écho à l’approche humaniste de Carl Rogers ou d’Abraham Maslow (croyance dans le potentiel de croissance de l’individu), a fourni un socle théorique aux pratiques de réhabilitation orientées vers le rétablissement. Il s’est concrétisé dans des modèles pratiques tels que les clubhouses (ex: Fountain House créé à New York en 1948), où d’anciens patients et professionnels travaillent côte à côte dans un esprit de communauté et de respect mutuel, ou encore les programmes de formation aux habiletés de vie autonome.
Les sciences sociales ont également influencé la réhabilitation psychosociale anglo-saxonne en inspirant des innovations. Par exemple, la sociologie de la déviance (Howard Becker) et la notion d’étiquetage ont sensibilisé aux effets iatrogènes du statut de “malade mental chronique”. Cette prise de conscience a encouragé des changements de vocabulaire (on parlera de personnes en rétablissement plutôt que de schizophrènes chroniques, soulignant l’identité au-delà du diagnostic) – une contribution directe des sciences du langage à la pratique clinique. De même, l’anthropologie culturelle a incité à adapter les soins aux référents du patient : on s’est mis à valoriser le récit que celui-ci fait de son vécu, ses métaphores, sa vision du monde, plutôt que de lui imposer une vision strictement clinique. Ces approches narratives et interculturelles (telles qu’on les retrouve dans la médecine narrative ou la psychiatrie culturelle de Arthur Kleinman) enrichissent la réhabilitation en rendant les soins plus personnalisés et signifiants pour le patient.
Dans le monde anglo-saxon, l’articulation entre valeurs éthiques, modèles théoriques et pratiques cliniques est particulièrement visible à travers le modèle du rétablissement. Ce modèle, formulé dans les années 1990, marie des valeurs humanistes (espoir, autodétermination, droits) avec un corpus théorique interdisciplinaire (psychologie positive, sociologie des mouvements d’usagers, théorie narrative). Il insiste sur la notion de parcours personnel plutôt que de guérison symptomatique : se rétablir, c’est reconstruire une vie riche de sens, avec ou sans symptômes. Des chercheurs anglo-saxons comme Larry Davidson (Yale) ou Mike Slade (Nottingham) ont conceptualisé le rétablissement en identifiant des dimensions clés issues des témoignages de patients – par exemple le modèle CHIME (Connexions, Espoir, Identité, Sens, Empowerment) de Slade, qui doit autant à la psychologie humaniste qu’à la sociologie. On voit là comment les valeurs (espoir, sens, empowerment) et les constructions théoriques (modèle CHIME) issues des humanités se traduisent en pratiques cliniques concrètes : interventions centrées sur l’espoir (entraînement à l’optimisme, travail sur les objectifs de vie), travail identitaire (narration de son histoire de rétablissement), soutien par les pairs, etc.
Plusieurs auteurs et mouvements clés incarnent cette synthèse. On peut citer Patricia Deegan, qui dès 1988 écrit Recovery: Psychosocial Rehabilitation and the Dignity of the Individual et y affirme que le rétablissement est un acte de résistance identitaire, un processus spirituel et existentiel autant que clinique. Son message – “redonner une dignité et un sens à la vie au-delà du diagnostic” – fait écho à la philosophie existentielle et aux droits civiques, et il a profondément influencé les services de réhabilitation aux États-Unis . De même, l’ex-patiente Mary Ellen Copeland développe le programme WRAP (Wellness Recovery Action Plan) dans les années 1990, un outil d’auto-gestion de crise basé sur le récit de ses expériences – illustration de la place du langage et de la narration dans les nouveaux outils cliniques. Au Royaume-Uni, Rachel Perkins et Julie Repper ont été des voix fortes du mouvement Recovery, insistant sur la collaboration patient-soignant et l’importance de l’entraide mutuelle (peer support). Elles s’appuient sur les valeurs d’empowerment (terme issu de la sociologie politique) pour promouvoir l’embauche de pairs-aidants dans le NHS.
Sur le plan des institutions anglo-saxonnes, on voit également l’intégration des humanités. L’organisme américain SAMHSA, par exemple, a énoncé en 2004 un consensus statement sur le rétablissement qui inclut des principes tels que le respect des droits, l’espoir, la responsabilité personnelle et la dimension holistique de la guérison – autant de thèmes empruntés à la philosophie morale et à la psychologie humaniste. La Psychiatric Rehabilitation Association (PRA) aux États-Unis a défini 12 principes directeurs de la réhabilitation, parmi lesquels : « toute personne a la capacité d’apprendre et de grandir », « chaque individu a le droit de prendre ses propres décisions concernant les traitements et soutiens qu’il reçoit » et « les pratiques de réhabilitation doivent aider à améliorer la qualité de vie dans toutes ses dimensions (sociale, éducative, spirituelle…) » . Ces principes – espoir, autodétermination, approche holistique – montrent bien l’héritage des humanités médicales dans la charte éthique de la réhabilitation psychosociale en contexte anglo-saxon.
Les tensions et débats dans ces pays occidentaux ont souvent opposé les tenants d’une psychiatrie traditionnelle (centrée sur la réduction des symptômes, la médication au long cours, une relation hiérarchique médecin-patient) et les défenseurs du paradigme Recovery. Par exemple, certains cliniciens anglophones se sont interrogés : la “recovery-oriented psychiatry” n’est-elle qu’un vœu pieux, voire un oxymore, face à la réalité de troubles sévères ? Dans un article récent de The Lancet Psychiatry, Speyer et ses collègues notent que la psychiatrie orientée rétablissement peut au contraire être un catalyseur de changement, à condition de repenser les normes cliniques et d’intégrer les droits civiques des usagers . Un point de friction fréquent concerne la place des traitements biomédicaux : la perspective issue des humanités encourage une réduction des traitements forcés, une individualisation des posologies selon les objectifs du patient, ce que certains psychiatres plus classiques voient d’un œil méfiant (crainte de perte de contrôle médical, ou de dérive anti-scientifique). Néanmoins, les résultats positifs observés (meilleure adhésion aux soins, satisfaction des usagers, diminution des hospitalisations grâce aux programmes de pair-aidance et de gestion de crise anticipée) ont progressivement levé une partie des résistances.
En pratique, les pays anglo-saxons ont été pionniers dans l’intégration concrète des humanités dans la réhabilitation. On y trouve depuis les années 1990 des formations en éthique et en sciences humaines intégrées aux cursus de santé mentale (par ex., modules de « recovery education » dans les écoles d’infirmiers psychiatriques, enseignement de la narrative medicine dans certaines facultés de médecine). Des pairs-aidants diplômés sont recrutés dans les équipes de soins (le système des Veterans Affairs aux USA a intégré plus d’un millier de pairs-aidants professionnels en quelques années pour accompagner les vétérans en rétablissement). Le récit de vie est utilisé comme outil thérapeutique (ateliers d’écriture narrative, journaux de rétablissement). Des institutions comme le Recovery College à Londres proposent aux usagers et soignants des cours communs pour apprendre de l’expérience vécue et des savoirs académiques de manière conjointe – un bel exemple de co-construction des savoirs inspiré par la pédagogie sociale de Paulo Freire (philosophe de l’éducation). En somme, à l’échelle occidentale anglophone, la réhabilitation psychosociale s’est nourrie d’un bouillonnement humaniste : elle a traduit en actes les idéaux de liberté, de participation et de croissance personnelle issus de la philosophie et des sciences sociales, bâtissant ainsi des fondations éthiques solides et des pratiques novatrices centrées sur la personne.
Échelle européenne
En Europe continentale, la réhabilitation psychosociale s’est développée dans le sillage de mouvements intellectuels et sociaux souvent convergents avec ceux du monde anglo-saxon, tout en possédant des caractéristiques propres liées aux contextes culturels et politiques européens. L’apport des humanités y est tout aussi déterminant, en particulier à travers des courants philosophiques et politiques qui ont remis en question le modèle asilaire bien avant que le terme de “réhabilitation psychosociale” ne soit d’usage courant.
Un exemple emblématique est l’Italie, où s’est opérée dans les années 1960-70 une véritable révolution psychiatrique à base humaniste sous l’impulsion du psychiatre Franco Basaglia. Influencé par la phénoménologie existentielle (il lit Sartre, Merleau-Ponty) et par les analyses de Goffman et Foucault, Basaglia développe une critique radicale de l’asile comme institution d’oppression. Il prône le retour de la liberté et de la citoyenneté pour les patients internés. Son mot d’ordre – « la liberté est thérapeutique » – résume l’idée philosophique que seule la restauration du sujet comme acteur de son propre destin peut le guérir. Basaglia met en pratique ces principes à l’hôpital de Gorizia puis de Trieste : portes ouvertes, assemblées quotidiennes où patients et soignants discutent d’égal à égal, suppression des contentions… Ces innovations sont directement nourries par la philosophie humaniste et politique de l’après-guerre (on est en phase avec les mouvements de libération sociale de 1968). Elles aboutissent à la loi 180 de 1978 (dite Loi Basaglia) qui ferme les hôpitaux psychiatriques en Italie au profit de services communautaires. Cette loi – unique en son genre – a rendu leur dignité et leurs droits civils aux patients psychiatriques en les considérant comme des citoyens à part entière . Basaglia a ainsi ancré la légitimité de la réhabilitation psychosociale sur des bases éthiques et théoriques puissantes, combinant la critique sociale et la réforme psychiatrique dans un même élan . Ses campagnes pour la liberté, l’inclusion et la dignité humaine ont inspiré bien au-delà de l’Italie, constituant un héritage international majeur en psychiatrie au XXᵉ siècle . On peut voir dans ce mouvement de “psychiatrie démocratique” italien l’apport conjugué de la philosophie (concept de liberté, notion sartrienne que l’existence précède l’essence, appliquée aux malades), de la sociologie (critique institutionnelle) et de l’éthique des droits (primauté de la citoyenneté sur le statut de malade).
D’autres pays européens ont connu des dynamiques semblables, où les sciences humaines ont été des catalyseurs de la transformation des pratiques psychiatriques. Au Royaume-Uni, parallèlement à l’influence du modèle Recovery importé des États-Unis, il y eut dès les années 1950 le mouvement des communautés thérapeutiques (inspiré par le psychiatre Maxwell Jones). Celui-ci reposait sur l’idée, issue de la psychologie sociale, que le milieu de soins doit être un microcosme démocratique où chaque voix compte – une approche en écho aux principes de la psychologie humaniste et de la sociologie de groupe. En France, dès l’après-guerre, le courant de la psychothérapie institutionnelle (avec des figures comme François Tosquelles et Jean Oury) a jeté les bases d’une psychiatrie plus humaine : incorporation de la psychanalyse et du marxisme, ouverture de l’asile sur la cité (à Saint-Alban, Tosquelles fait participer les patients à des ateliers, des activités culturelles, et invite des intellectuels – Paul Éluard, Tristan Tzara – à séjourner à l’asile pendant la guerre). Cette démarche, bien avant qu’on parle de “réhabilitation psychosociale”, visait à “décoloniser” l’asile de l’intérieur, en redonnant aux patients une voix, un rôle, une identité sociale. Là encore, la philosophie était en filigrane : Tosquelles s’inspirait du personnalisme d’Emmanuel Mounier (mettant la personne au centre), Oury lisait Lacan et Heidegger – autant de références humanistes qui ont influencé la pratique. La psychothérapie institutionnelle a posé les fondations éthiques (respect de la personne, primat du lien humain sur la technicité) et pratiques (travail en ateliers, fonctionnements coopératifs) que la réhabilitation psychosociale moderne prolongera plus tard.
Sur le plan européen supranational, les valeurs issues des humanités se sont progressivement intégrées aux politiques publiques de santé mentale. Le Conseil de l’Europe et la Commission Européenne ont, depuis les années 2000, multiplié les recommandations en faveur de services de santé mentale communautaires, de la participation des usagers et de la lutte contre la stigmatisation. Par exemple, la Déclaration de Helsinki (Conférence ministérielle européenne de l’OMS, 2005) a entériné le principe que les usagers et les familles doivent être impliqués dans l’élaboration des politiques et que la dignité des personnes souffrant de troubles psychiques doit être protégée en toutes circonstances. Ces déclarations, bien qu’émanant d’instances politiques, empruntent leur langage aux humanités : on y parle de droits, de citoyenneté, de qualité de vie, de rétablissement. De même, des réseaux européens comme ENUSP (European Network of (Ex-)Users and Survivors of Psychiatry) ou GAMIAN-Europe (association européenne de patients) se sont fait l’écho d’une perspective issue des humanités, en mettant en avant les témoignages et la voix des usagers dans l’élaboration des bonnes pratiques. Ils ont contribué à diffuser la notion de “rien pour nous sans nous”, slogan du mouvement handicap qui rejoint l’éthique de l’autonomie et de la participation.
Les articulations entre valeurs, modèles et pratiques en Europe se voient à travers l’adoption progressive du modèle du rétablissement dans de nombreux pays. Bien qu’issu du monde anglo-saxon, ce modèle a été enrichi par des sensibilités européennes. Par exemple, la dimension de droits sociaux (logement, emploi, revenus) y est fortement soulignée, en lien avec la tradition européenne de l’État-providence et la sociologie des inégalités. La réhabilitation psychosociale en Europe insiste souvent sur l’inclusion socio-professionnelle comme aspect du rétablissement (création d’entreprises sociales en Italie, ateliers protégés en Belgique, etc.), prolongeant ainsi des valeurs de justice sociale chères à la sociologie européenne. Par ailleurs, le paradigme narratif prend une coloration particulière dans certains pays : en Allemagne et en Europe centrale, on voit se développer depuis les années 1990 les Trialogues (groupes de parole réunissant patients, familles et soignants sur un pied d’égalité) qui sont une mise en pratique directe de la co-construction de sens chère à la philosophie dialogique. En Scandinavie, le modèle Open Dialogue (né en Finlande) illustre parfaitement l’imbrication des sciences du langage dans la pratique : cette approche de traitement des crises psychotiques repose sur la participation de l’entourage et du patient à toutes les décisions, via des réunions où chacun s’exprime librement – concept inspiré par le philosophe Mikhail Bakhtine (polyphonie des voix) et par l’ethnopsychiatrie. Open Dialogue obtient d’excellents résultats cliniques tout en incarnant un idéal éthique (transparence, respect inconditionnel de la parole du patient) issu des humanités.
On retrouve dans plusieurs pays européens des auteurs et initiatives clés qui ont accéléré l’intégration des humanités en réhabilitation. En Italie, outre Basaglia, des psychiatres comme Giovanni Berlinguer ont milité pour relier psychiatrie et droits de l’homme. En Grande-Bretagne, le psychologue David Pilgrim et le sociologue Peter Sedgwick ont critiqué dès les années 1980 la “psychiatrie dominante” du point de vue des sciences sociales, ouvrant la voie à une psychiatrie plus critique et réflexive. En Autriche, Walter Hollander a instauré la participation active des patients dans les services de Vienne (organisation de clubs, de conseils de patients) en s’inspirant de principes démocratiques. À l’échelle européenne, le projet EX-IN (Expert by Experience, initié en Allemagne puis diffusé en Europe) a créé une formation pour former des ex-usagers en tant que pairs-aidants certifiés – concrétisation de l’idée que le savoir expérientiel doit être valorisé au même titre que le savoir professionnel, une idée ancrée dans la philosophie de la connaissance et la justice épistémique.
Les débats en Europe autour de ces évolutions reflètent parfois des spécificités culturelles. Dans certains pays à tradition psychiatrique plus biologisante, l’arrivée du discours du rétablissement a pu susciter des résistances. Par exemple, des psychiatres ont craint que la valorisation de l’autonomie ne conduise à un retrait excessif du soutien médical, ou que l’idéologie du rétablissement soit instrumentalisée par les décideurs pour diminuer les moyens (crainte d’un “désengagement de l’État” au prétexte que les patients se débrouilleront par eux-mêmes). En même temps, les partisans des approches issues des humanités ont critiqué les approches biomédicales classiques comme étant réductrices et potentiellement aliénantes – par exemple en France, certains ont dénoncé la psychiatrie trop centrée sur la pharmacologie et l’hospitalocentrisme, l’accusant de négliger la personne dans sa globalité. Ces tensions se sont manifestées dans des colloques, des tribunes (ex. débats dans la revue L’Information Psychiatrique sur la place du rétablissement) mais tendent vers une synthèse constructive. En Europe, il est de plus en plus admis que les approches ne sont pas mutuellement exclusives : la réhabilitation psychosociale complète le biomédical sans le nier. Par exemple, une thérapie médicamenteuse peut s’inscrire dans un projet de vie plus large où le patient définit ses objectifs (reprendre des études, renouer avec sa famille, etc.) accompagné d’une équipe pluridisciplinaire. L’accent mis sur les valeurs humanistes a conduit à des pratiques hybrides : les soins intègrent autant la gestion des symptômes (héritage biomédical) que l’attention à la qualité de vie, aux droits et au sens existentiel (héritage des humanités).
Comme exemples concrets d’intégration des humanités en réhabilitation en Europe, on peut citer : la formation en éthique et psychiatrie désormais incluse dans de nombreux cursus (par ex. un Diplôme Universitaire d’“humanités en psychiatrie” existe en Belgique, en France des séminaires d’éthique de la psychiatrie sont proposés aux internes) ; la participation systématique de représentants des usagers dans les instances de pilotage des hôpitaux (conseils de service, commissions des usagers), traduisant le principe démocratique de co-construction ; l’essaimage des pratiques artistiques et culturelles en réhabilitation (ateliers théâtre, écriture, peinture dans les Centres de jour, souvent justifiés par l’idée humaniste que l’art est un médiateur de l’expression de soi et de la citoyenneté culturelle) ; ou encore les programmes européens de recherche participative (comme HERO, REFINEMENT) qui associent des sociologues, des anthropologues et des usagers pour repenser les systèmes de soins. Tous ces exemples montrent qu’à l’échelle européenne, la réhabilitation psychosociale s’est construite et continue d’évoluer en dialogue constant avec les disciplines des humanités, ce qui lui confère une richesse théorique et une profondeur éthique certaines.
Échelle nationale (France)
En France, la réhabilitation psychosociale a connu un développement plus tardif qu’en Amérique du Nord ou en Italie, mais elle s’est fortement accélérée au cours des deux dernières décennies, en s’appuyant à la fois sur des racines intellectuelles locales et sur l’apport des modèles internationaux. La spécificité française tient en partie à son histoire psychiatrique singulière : une tradition humaniste ancienne (le traitement moral de Pinel au XVIIIᵉ, la sectorisation psychiatrique des années 1960) mêlée à une influence durable de la psychanalyse et à un système de soins longtemps très institutionnalisé. La réhabilitation psychosociale, en tant que démarche structurée, y a véritablement émergé dans les années 1990, en trouvant sa légitimité dans des références aux humanités médicales qui ont permis de lever les réticences initiales.
Du point de vue des fondations éthiques et théoriques, la réhabilitation psychosociale en France met en avant un ensemble de valeurs humanistes comme boussole, plutôt qu’un dogme ou une théorie unique . Il n’existe pas, en effet, de « théorie française » de la RPS différente des autres ; en revanche, les praticiens et promoteurs français de la réhabilitation insistent sur les 8 valeurs de base qui en définissent l’esprit . Ces valeurs – formulées par des auteurs comme le Pr Nicolas Franck ou le Dr Marianne Augieras, grands diffuseurs du modèle en France – englobent notamment : le respect de la personne et de son potentiel de développement (approche humaniste explicite) , la participation active de l’usager à son projet de soins (autonomie, autodétermination), une approche personnalisée et centrée sur ses objectifs de vie, l’inclusion sociale comme finalité, la pluridisciplinarité et la continuité des soins. Il est clairement énoncé que la RPS doit aller « au-delà de la maîtrise des symptômes et viser l’amélioration de la qualité de vie et du bien-être », selon l’article de référence de l’Académie de médecine . Cette orientation vers la qualité de vie et le bien-être s’inspire directement de la philosophie eudémoniste (le “bien vivre”) et de la psychologie humaniste. On souligne également que l’action en RPS doit être intégrative (mobilisant des approches variées, y compris issues des sciences humaines, au service du projet de la personne) et fonctionnelle (centrée sur l’optimisation du fonctionnement et des capacités de la personne dans son milieu de vie) . Ces principes témoignent d’un ancrage fort dans une vision holistique de l’être humain, telle que la proposent la philosophie personnaliste ou l’anthropologie (l’individu est envisagé dans toutes ses dimensions, biologiques, psychiques, sociales et spirituelles).
Historiquement, plusieurs courants de pensée et auteurs français ont préparé le terrain conceptuel de la réhabilitation. Outre la psychothérapie institutionnelle déjà évoquée (avec Tosquelles, Oury, etc.), on peut mentionner Georges Canguilhem, philosophe et médecin, qui dès les années 1950 posait un regard nouveau sur la santé et la maladie en les envisageant comme des “concepts normatifs” plutôt que purement biologiques – idée qui invite à respecter la façon dont chaque individu vit son trouble et reconstruit ses normes propres (préfiguration de l’approche de rétablissement). Le philosophe Paul Ricoeur, avec ses travaux sur la narrative et l’identité, a aussi eu une influence indirecte sur certains psychiatres français qui ont compris l’intérêt de l’histoire de vie dans la reconstruction du sujet. De même, des sociologues français, par exemple Robert Castel, ont critiqué la psychiatrie d’asile dans les années 1980 (ouvrage “La gestion des risques”), en rejoignant des préoccupations éthiques sur l’exclusion sociale des malades. Ces réflexions issues des humanités ont légitimé l’idée qu’il fallait transformer les pratiques.
La légitimation institutionnelle de la réhabilitation psychosociale en France est assez récente et doit beaucoup aux références aux droits et à l’éthique. Un tournant a été l’inscription dans la loi de janvier 2016 (loi de modernisation du système de santé) de l’obligation d’élaborer des Projets territoriaux de santé mentale (PTSM) intégrant la réhabilitation et le rétablissement. Le décret de juillet 2017 relatif aux PTSM reconnaît explicitement la réhabilitation psychosociale comme une approche complémentaire aux soins traditionnels, visant l’inclusion sociale des personnes vivant avec un trouble psychique . Ainsi, depuis 2017, la RPS est promue officiellement par les autorités de santé (Ministère, ARS) – on parle d’une politique nationale du rétablissement. Cette promotion a été appuyée par la création de Centres Ressources en Réhabilitation (les C3R, à Lyon-Le Vinatier, Paris, etc.) chargés de diffuser les bonnes pratiques. Ces centres, pilotés par des cliniciens souvent formés à l’étranger, ont importé en France des outils développés dans le monde anglo-saxon ou européen, en les justifiant par des études et par les valeurs éthiques qu’ils portent. Par exemple, la remédiation cognitive, jadis perçue comme un simple entraînement cognitif, a été présentée comme un moyen de « rendre de l’autonomie et favoriser l’insertion sociale et professionnelle » – finalités éminemment humanistes . Les nouvelles pratiques telles que le case management à la française (coordination de parcours) ou le job coaching (emploi accompagné) se développent également avec l’argument qu’elles rendent la psychiatrie « plus éthique et plus humaniste » en orientant le soin vers la réalisation du projet de vie de la personne . Cette rhétorique, présente dans les articles scientifiques français récents, montre bien comment la légitimité de la RPS s’est construite en s’appuyant sur les valeurs humanistes partagées.
La France a aussi importé et adapté le concept de pair-aidance. C’est un domaine où l’on voit l’articulation concrète entre valeurs éthiques (reconnaissance de l’expertise du vécu, solidarité), modèle théorique (rétablissement par le soutien mutuel) et pratique clinique (intégration d’un pair-aidant dans l’équipe). Dès 2012, un projet pilote a été lancé pour former des Médiateurs de Santé-Pairs (MSP) en partenariat avec le Québec. Ces MSP, anciens patients formés pendant un an, travaillent désormais dans divers services (hôpitaux, CMP) aux côtés des soignants. Leur rôle illustre une rupture avec le modèle biomédical classique : on passe d’une relation unidirectionnelle soignant-soigné à une relation de partenariat, fondée sur le partage d’expérience et la co-construction du soin. Des retours d’expérience montrent que la présence de pairs-aidants facilite une relation de confiance et d’égalité avec les usagers, ouvrant un espace où peut se construire un « savoir expérientiel sur mesure » qui complète le savoir médical . La pair-aidance en France est soutenue par des associations d’usagers et par la Fondation Fondamental, et elle commence à être intégrée dans les formations (par ex., le CNAM propose un certificat de pair-aidant). Cela témoigne de l’imprégnation progressive des idées de dignité et d’empowerment dans la culture de soin française.
Les débats en France autour de la RPS ont été vifs, ce qui est compréhensible étant donné la tradition psychiatrique du pays. Au début, certains psychiatres – souvent d’obédience psychanalytique – voyaient d’un mauvais œil cette “importation anglo-saxonne”. Ils redoutaient une approche trop “technique” ou “normalisatrice” qui viendrait standardiser la prise en charge (ironiquement, une critique opposée à celle des Anglo-saxons qui voyaient dans le Recovery un discours trop peu scientifique). D’autres craignaient un effet de mode ou une remise en cause de leur rôle de sachant. Cependant, la convergence avec des valeurs déontologiques a permis d’apaiser ces craintes : la RPS n’est pas antagoniste de l’approche psychanalytique ou médicale, elle recentre simplement le soin sur ce qui fait sens pour la personne. Des ponts ont d’ailleurs été construits : on parle par exemple d’“alliance thérapeutique renforcée” ou de “posture de soin orientée rétablissement”, incitant les cliniciens de tous bords à adopter une attitude de partenariat et de bienveillance active sans renier leurs référentiels (ainsi un psychiatre biologiste peut pratiquer la réhabilitation en impliquant le patient dans les choix de traitement, un psychothérapeute peut adopter une approche orientée vers les objectifs concrets du patient, etc.).
Aujourd’hui, la réhabilitation psychosociale en France tend à s’ancrer solidement, soutenue par les formations universitaires dédiées (Diplômes Universitaires de Réhabilitation psychosociale à Paris, Lyon, Marseille… où l’on enseigne autant la psychoéducation ou la remédiation cognitive que la philosophie du rétablissement, la connaissance des droits des patients, la pair-aidance, etc.). Les valeurs éthiques de dignité, d’autonomie et de citoyenneté sont mises en avant dans la communication institutionnelle : par exemple, le Plan Psychiatrie et Santé Mentale 2018-2022 mentionne l’importance du rétablissement et de la citoyenneté des usagers. On voit même apparaître dans certains services la notion de “Conseil Local de Santé Mentale” où élus, professionnels, usagers et citoyens co-construisent les priorités (emblématique d’une approche sociologique participative).
En termes de pratiques cliniques renouvelées, la France a adopté de nombreux outils centrés sur le patient : le Projet de Vie est désormais un élément obligatoire du dossier de soins en psychiatrie (chaque patient est censé définir avec l’équipe ses objectifs personnels – logement, travail, loisirs – et les soins s’organisent autour de cela). La co-construction des soins devient un leitmotiv : on parle de plus en plus de “soins négociés”, de “contrats de soins” élaborés avec le patient, ce qui rompt avec le paternalisme antérieur. Des ateliers d’éducation thérapeutique au rétablissement permettent aux patients de partager entre eux leurs stratégies (une approche inspirée de la psychologie communautaire). Enfin, des innovations pédagogiques montrent l’infusion des humanités : par exemple, à Lille, le Centre Collaborateur de l’OMS organise des modules de formation où un philosophe, un usager-expert et un psychiatre forment ensemble les professionnels à la démarche de réhabilitation, croisant regards scientifique, expérientiel et éthique.
En conclusion, à l’échelle nationale française, la réhabilitation psychosociale a bâti sa légitimité en s’adossant explicitement aux humanités médicales. Ce sont les valeurs de dignité, d’autonomie et de citoyenneté – issues de la philosophie morale et politique – qui ont fourni l’armature éthique pour promouvoir le changement de paradigme. Ce sont les critiques théoriques – empruntées à la sociologie, à la psychologie humaniste, à la linguistique (par le paradigme narratif) – qui ont remis en cause le modèle antérieur et proposé de nouvelles grilles de lecture (le patient comme acteur, la maladie comme expérience subjective, le soin comme relation). Et ce sont enfin des pratiques novatrices – pair-aidance, projet de vie, ateliers narratifs, décisions partagées – qui incarnent sur le terrain la synthèse entre science et humanité. La France, forte de sa tradition humaniste, semble ainsi avoir rattrapé son retard : la psychiatrie française s’engage désormais résolument sur la voie d’une psychiatrie plus éthique, plus ouverte, plus humaine, conformément à la promesse que porte la réhabilitation psychosociale depuis ses origines .
Sources : Auteurs et textes majeurs ayant inspiré ou décrit ces évolutions (Erving Goffman, Asiles, 1961 ; Michel Foucault, Histoire de la folie, 1961 ; Judi Chamberlin, On Our Own, 1978 ; Franco Basaglia, Loi 180/1978 et L’Institution en négation, 1968 ; Patricia Deegan, 1988 ; William Anthony, 1993) ; Institutions et déclarations (OMS – Programme QualityRights, Nations Unies – CDPH 2006, WAPR 1986, Déclaration européenne d’Helsinki 2005, Plans nationaux de santé mentale) ; Principes formulés par des organisations professionnelles (PRA Core Principles, 2012 ; 13 principes de la réhabilitation selon Cnaan ) ; Travaux français récents (Académie de médecine, 2021 ; synthèse sur la RPS en gériatrie, 2022 ; articles de Nicolas Franck et al. sur le rétablissement, 2021). Toutes convergent pour montrer que la réhabilitation psychosociale, en France comme ailleurs, s’est érigée sur le terreau fécond des humanités médicales, qui lui ont fourni ses fondations éthiques, ses modèles explicatifs et une multitude de pratiques humanisantes au service du rétablissement des personnes.