J'ai longuement écouté cet entretien avec Maingueneau et Cossuta. Et c'est fort pour ma thèse, donc j'ai demandé à GPT 4o d'en faire un cours à partir de la transcription.

Cours sur la notion de discours constituants — d’après Dominique Maingueneau et Frédéric Cossuta

Introduction générale

Ce cours explore la notion de discours constituants, élaborée par Dominique Maingueneau et Frédéric Cossuta dans le cadre de leurs travaux en analyse du discours. Cette notion désigne des formes de discours qui ne se contentent pas de dire quelque chose du monde, mais qui participent activement à l’organisation du champ discursif dans lequel ils s’inscrivent. Autrement dit, ils produisent leur propre légitimité, définissent leurs conditions de validité, et influencent les autres discours.

Plutôt que de suivre le fil chronologique de l’entretien, ce cours est organisé autour des grandes notions théoriques abordées, accompagnées d’exemples, de définitions et de développements critiques.


1. Définition : Qu’est-ce qu’un discours constituant ?

Définition

Un discours constituant est un type de discours qui s’institue lui-même comme autorité discursive. Il ne dépend pas seulement d’une extériorité pour légitimer ce qu’il énonce, mais établit ses propres critères de validité. Il se caractérise par sa fonction fondatrice : il définit ce qui est dicible, recevable, pensable dans un espace social donné.

Exemples typiques de discours constituants

  • Le discours philosophique
  • Le discours religieux
  • Le discours scientifique
  • Le discours littéraire
  • Le discours juridique

Ces discours ont en commun une forte capacité à produire des normes discursives et à structurer des champs de savoir ou de croyance.


2. Auto-institution et réflexivité

Les discours constituants se caractérisent par une auto-réflexivité structurante : ils sont capables de réfléchir à leurs propres conditions de production.

Exemple : Le discours philosophique

  • Il explicite ses propres critères de validité.
  • Il revendique un statut supérieur ou transversal aux autres discours (fondement des sciences, critique des religions…).
  • Il peut destituer d’autres discours pour affirmer sa propre légitimité.

Maingueneau insiste : “Un discours constituant n’est pas un simple genre de texte. C’est une forme discursive qui revendique une capacité normative sur les autres.”


3. Fonction-auteur et autorité discursive

Définition : Fonction-auteur (Foucault)

C’est une construction discursive et institutionnelle qui permet d’attribuer à une production langagière un nom propre, une intention, une responsabilité.

Dans les discours constituants :

  • Philosophie : l’auteur est central mais doit neutraliser sa subjectivité (ex : Descartes, Kierkegaard).
  • Science : l’auteur s’efface au profit de la communauté scientifique (anonymisation, protocole).
  • Littérature : l’auteur devient une figure d’inspiration, voire de transcendance (ex : Rimbaud, Valéry).

Notion liée : Paratopie

Concept de Dominique Maingueneau désignant la position instable d’un auteur qui n’appartient jamais totalement à l’institution qui le légitime, tout en s’y inscrivant. L’auteur constituant est toujours en tension avec l’espace qui l’accueille.


4. Hétérogénéité des discours constituants

Des modalités diverses de fondation

Chaque discours constituant a ses propres mécanismes :

  • Religion : fondation par révélation, textes sacrés, figure du prophète.
  • Science : validation expérimentale, falsifiabilité, logique des preuves.
  • Philosophie : auto-légitimation réflexive, universalité prétendue.
  • Droit : force normative codifiée, jurisprudence, fiction d’origine (le peuple, le législateur).
  • Littérature : rapport à l’inspiration, à l’immanence de la langue, à l’exceptionnalité du style.

Interactions entre discours constituants

  • Ils se destituent (la science réfute la religion ; la philosophie critique la science…)
  • Ils s’intègrent (ex : Zola fonde sa littérature sur une théorie scientifique de l’hérédité).
  • Ils coexistent avec des hiérarchies mouvantes.

5. Pratiques secondes et institutionnalisation

Les discours constituants ne vivent pas seuls : ils s’accompagnent de discours seconds qui assurent leur diffusion, leur interprétation, leur valorisation.

Types de discours seconds

  • Commentaires académiques
  • Critique littéraire ou philosophique
  • Vulgarisation
  • Emissions de radio, expositions, hommages publics
  • Plaques commémoratives, noms de rues, programmes scolaires

Ces discours participent à l’institutionnalisation du corpus constituant.


6. Historicité, mobilité et réappropriation

Le statut constituant n’est jamais fixe :

  • Un texte peut être requalifié dans un autre discours (ex : Pascal lu comme théologien, puis écrivain, puis philosophe).
  • Certains discours deviennent constituants à certaines époques, puis perdent cette fonction.

Cossuta : “Il faut passer de la notion de discours constituant à celle de constitueurs : ce sont des processus, pas des essences.”

Exemple : La littérature coloniale

  • Peut avoir été perçue comme informative ou documentaire.
  • Peut être réintégrée aujourd’hui comme corpus littéraire à part entière.

7. Vulgarisation, genres subalternes et marges

Tous les discours ne sont pas constituants, mais certains genres subalternes gravitent autour d’eux :

  • Vulgarisation scientifique : rôle de médiation, sans prétention à instituer.
  • Philosophie magazine, développement personnel : reprise affaiblie ou hybridée de discours constituants.

Certains textes sont à la frontière :

  • Discours de la méthode (Descartes) : philosophique mais aussi littéraire.
  • Les Provinciales (Pascal) : théologique, littéraire, polémique.

Conclusion : Vers une théorie dynamique des discours

La notion de discours constituant permet d’articuler plusieurs dimensions :

  • Le pouvoir performatif de certains discours dans l’espace social.
  • La production de normes discursives et d’effets d’autorité.
  • L’ancrage dans des institutions, mais aussi dans des pratiques sociales.
  • La mobilité historique et la requalification constante des corpus.

C’est un outil pour penser à la fois :

  • L’analyse des corpus savants et canoniques.
  • Les régimes de vérité et d’autorité.
  • Les conditions de légitimation des discours dans la durée.

”Un discours constituant est toujours à la fois institué et instituant. Il dit ce qu’il est en même temps qu’il fonde ce qui est dicible.” — Maingueneau & Cossuta

Pour aller plus loin

  • Maingueneau, D. (1996). Le discours littéraire. Armand Colin.
  • Cossuta, F. (2001). Les discours philosophiques. Kimé.
  • Foucault, M. (1969). Qu’est-ce qu’un auteur ?
  • Maingueneau & Cossuta (entretien). “Les discours constituants”.