Bonjour à toutes et à tous. Donc moi, je vais vous parler des limites de l’enquête qualitative et plus précisément de l’enquête ethnographique. Donc j’espère que je ne serai pas trop à côté par rapport aux autres méthodes innovantes qui vont être présentées aujourd’hui. Donc effectivement, dans une enquête, il est assez commun de garantir l’anonymat aux enquêtés lors de la publication des résultats. Cela dit, le chercheur peut être confronté dans certains cas à une véritable difficulté à établir un anonymat complet des enquêtés. Et pourtant, cette question de l’anonymisation dans les publications, la plupart du temps, les chercheurs la traitent avec quelques lignes convenues. et assez peu de travaux existent sur cette question. Et du coup, cette communication va porter sur la restitution d’une enquête en se saisissant plus particulièrement de la question de l’anonymisation qui se pose tout particulièrement dans le cadre de l’enquête ethnographique. Donc la caractéristique principale d’une enquête ethnographique, c’est de se dérouler dans un milieu d’interconnaissance ou bien à l’intersection de plusieurs milieux d’interconnaissance. Et du coup, les personnes qui ont participé à l’enquête risquent fortement de se reconnaître lors de la publication des résultats. Ma communication va s’appuyer sur un retour sur une enquête ethnographique que j’ai menée sur le temps long dans le cadre de ma thèse de doctorat entre 2016 et 2018. Cette enquête était auprès de militants de deux associations de défense de l’environnement qui s’appelaient l’APIVERT et ENVIRON. Je précise que, par exemple, l’ApiVerte avait un atelier vélo dans le cadre duquel les bénévoles et le salarié aidaient les adhérents à entretenir et réparer leur vélo. Donc, cette enquête, elle a reposé sur la réalisation d’entretiens longs et le suivi ethnographique des actions de l’association. et du coup ma présentation va se diviser en deux parties. Dans la première partie, nous examinerons la relation d’enquête et insisterons sur son asymétrie et ensuite dans la deuxième partie, nous verrons que les enjeux de l’anonymisation dépendent étroitement des espaces dans lesquels peuvent circuler les informations. Donc je vais commencer avec la première partie dans laquelle nous allons voir que la relation enquêteur-enquêté se caractérise d’abord par une profonde asymétrie. Mon premier point, c’est d’abord l’accord de l’enquêté à l’enquête est le plus souvent un accord qui n’est pas totalement éclairé, dans le sens où au début de l’enquête, il est toujours difficile de clarifier sur quoi va porter le regard, à la fois parce que les enquêtés servent difficilement ce qu’est une enquête en sciences sociales, mais aussi parce qu’il est difficile de savoir en tant que chercheur quels aspects du monde social vont se révéler intéressants pour la recherche. Pour ma part, au début de mon enquête, j’ai sollicité un entretien avec le président de la Pivert et l’objectif à ce moment-là était entre autres de lui annoncer officiellement l’enquête et de lui expliquer mon sujet de recherche. Je lui ai déclaré que mon intention était de suivre le travail réalisé par l’appui verte et d’étudier quelques cas d’action et de mobilisation de l’association. Cependant, j’ai appris par la suite que le président de l’association me soupçonnait de vouloir m’intéresser au fonctionnement de leur association et qu’ils ne souhaitaient pas que mon regard porte, je cite, sur la teneur de leur conflit interne. Et du coup, j’ai eu une association et un président qui étaient plutôt réticents à ma recherche en début d’enquête. Et il m’a demandé notamment de ne pas m’intéresser aux oppositions entre militants de la Pi-Verte. Et à ce moment-là, j’ai exprimé non-verbalement que, possiblement, je comprenais que mon enquête pouvait les embarrasser sur ce point-là et que je ne souhaitais pas les mettre dans une telle situation. Cependant, c’est un conflit qui s’est révélé intéressant scientifiquement dans la mesure où il porte sur la dimension spatiale de la mobilisation. donc la première la première chose les enquêtés ne savent pas vraiment où on va porter le regard et nous non plus et peut-être qu’on parle comporte le regard où ils ne veulent pas parce que c’est intéressant d’un point de vue scientifique la deuxième chose qui fait que l’accord est d’après moi non éclairé c’est que les enquêtés la plupart du temps qu’on comprenne difficilement les méthodes de l’enquêteur et je pense notamment à l’observation participante. Par exemple, dans le cadre de ma recherche, la prise de notes de certaines remarques ou de certaines allusions formul par les enqu a diff et effectivement peut aussi s une tromperie des enqu sur nos intentions Et du coup, une grande partie des matériaux que j’ai recueillis, qui portaient sur ces tensions au sein de l’association, a été recueilli sans que les enquêtés se doutent que je les recueillais. Et je trouve que dans ce cadre, la récolte des matériaux, elle bénéficie de l’ambiguïté initiale de l’accord et de la compréhension relative des contours d’une enquête en sciences sociales. Et c’est, d’après moi, d’autant plus ambigüe que pour le chercheur, plus les enquêtés lui font confiance, plus ils vont se livrer à lui, et donc plus ce qui sera récolté sera intéressant. Et du coup, l’objectif du chercheur est que les enquêtés lui accordent sa confiance, tout en sachant bien que celle-ci sera potentiellement amenée à être trahie par la suite lors de la publication des résultats. Ensuite, pour continuer sur l’asymétrie de la relation, toujours dans cette première partie, nous allons voir que les enquêtés peuvent être surpris également par l’analyse de l’ethnographe et par sa mise en forme ou son point de vue sur le monde social. C’est-à-dire que l’ethnographe effectivement ressent une loyauté envers ses enquêtés, mais il a aussi une responsabilité envers ses pairs. Et dans le cadre de ma recherche, le président de l’association avait fortement insisté sur l’importance de l’honnêteté en nous précisant qu’un master en avait déjà étudié l’association et que sa restitution écrite opérait une sélection dans son discours et ne le remettait pas en contexte. La première chose qu’on peut dire, c’est qu’effectivement, si la confiance des enquêtés est trahie une première fois, il sera d’autant plus difficile pour un autre chercheur de réinvestir le même terrain et de l’obtenir de nouveau. Et dans ce cas-là, l’honnêteté souhaitée par le président semble un peu interprétée comme une demande de fidélité aux propos tenus et au point de vue des personnes. dont les deux sujets sont liés, dans la mesure où on se libère de la contrainte de fidélité par l’anonymisation. Cependant, je vais les distinguer. La première chose qu’on peut dire, c’est que ne pas anonymiser les enquêtés, ça reviendrait à les tromper dans la mesure où nous utilisons leurs propos afin d’acquérir un savoir académique. C’est-à-dire qu’en tant que doctorant, la pratique du terrain va nous aider à nous approprier la littérature scientifique. Et on va utiliser les discours et les propos des enquêtés pour comprendre des logiques sociales, alors que, eux, finalement, ces logiques sociales, ils s’en soucient assez peu. et du coup on a des objectifs qui sont très différents des leurs. Une conviction qui est d’après moi assez fortement partagée et très rassurante pour les chercheurs, c’est que leur travail est émancipateur pour les enquêtés et les lecteurs. Cela dit, je ne suis pas certaine que l’enquête ethnographique et sa restitution ne peuvent pas être également reçues violemment. et d’ailleurs en fait si les militants lisent la tête le plus probable c’est qu’ils ne le fassent pas dans l’objectif qui est prévu pour un mémoire de thèse c’est à dire prouver l’acquisition d’un savoir académique et de produire aussi également des connaissances et il y a une anthropologue alors j’ai pas décorché son nom mais qui s’appelle Zona Bend qui dit sur les intentions des enquêtés lorsqu’ils lisent les résultats, ce que recherchent les informateurs dans les textes ethnographiques, c’est d’une certaine manière le reflet d’eux-mêmes tel qu’ils pensaient l’avoir donné. Ils cherchent ce qu’ils croient ou ce qu’ils veulent être. Et ainsi, dans une publication, effectivement, les enquêtés cherchent à se reconnaître et la restitution de l’enquête peut être durement vécue dans la mesure où les textes de sciences sociales qu’on va produire, justement, vont heurter les lectures plus spontanées que les enquêtés peuvent avoir de leur trajectoire, ou alors les explications un peu psychologisantes qu’ils peuvent avoir de leur vécu aussi. On peut aussi dire que l’écriture du mémoire de thèse, c’est l’équivalent, d’une certaine façon, à la construction d’un récit. l’ethnographe faisant parler son terrain à partir de questions issues de la littérature scientifique. Et dans ce cadre-là, les discours qui sont recueillis sont par la suite retravaillés. C’est-à-dire que nous extrayons des citations et nous les classons dans un ordre logique. Et cet ordre logique, ces citations, nourrissent une démonstration scientifique. Et effectivement cette d scientifique peut ne pas souhait par les enqu et ainsi ils peuvent consid que leur parole a d et ils peuvent tr surpris par l que l fait de leur discours Je rajouterai qu’en plus, il semble impossible d’être honnête au sens où le président de l’association l’entendait, c’est-à-dire qu’un entretien d’une ou deux heures avec une personne, associé à quelques paroles échangées rapidement, ne suffit pas à comprendre assez une personne pour interpréter ses propos comme elle, elle pense qu’il conviendrait de les interpréter. On peut aussi dire que les personnes peuvent changer d’avis entre le moment de la réalisation de l’entretien et celui de la publication de l’enquête. Et dans ce cadre-là, il semble assez difficile de restituer le point de vue des personnes dans toute son épaisseur. Et c’est vrai que la plus grande part des ethnographes reconnaît la contribution des enquêtés dans les remerciements, mais parfois avec un peu de culpabilité, lorsqu’ils considèrent le décalage entre les effets de l’enquête sur eux et celui sur les enquêtés, qui est le plus souvent aucun, voire peut-être une reconnaissance, voire une possibilité de réfléchir sur sa vie. Et moi, je me retrouve dans cette situation, puisque ma thèse m’a procuré le grade d’auteur, alors que le mémoire de thèse exposant le conflit interne à l’association n’a eu aucun effet sur l’association, voire peut-être, je ne sais pas, a pourrénu à l’image publique de l’association. Je vais maintenant passer à la deuxième partie où je vais m’intéresser aux enjeux de l’anonymisation et ces enjeux qui dépendent des espaces dans lesquels peuvent circuler les informations. Alors les informations personnelles de l’enquêté, elles peuvent circuler dans trois espaces distincts, qui sont le monde académique, les milieux enquêtés et la société en dehors des milieux enquêtés. Et les circulations des informations dans ces trois espaces ne posent pas les mêmes questions. Donc effectivement, la solution la plus couramment utilisée pour la publication des cas ethnographiques est l’anonymat. Et en fait, ce qui compte dans un mémoire de thèse, finalement, c’est la mise en évidence de processus sociaux de portée générale. Et dans ce cadre, les caractéristiques personnelles des enquêtés ne nous intéressent qu’en fonction des questions que l’on se pose. C’est-à-dire que ce ne sont pas les enquêtés en eux-mêmes qui sont intéressants. Et c’est pour ça que l’anonymat est adopté, l’objectif étant qu’un enquêté ne soit pas reconnaissable par quiconque ne le connaîtrait pas à l’avance. Nous allons maintenant nous intéresser à la circulation des informations au sein du milieu enquêté. alors la première limite de l’anonymat à laquelle je faisais allusion tout à l’heure c’est que la plupart du temps la liste des éléments indispensables à la compréhension d’un cas sociologique permet également le plus souvent d’identifier la personne concernée dans le cadre d’une enquête ethnographique et donc comment garantir cet anonymat et c’est vrai que c’est une question qui s’est pas mal posée dans le cadre de mon travail doctoral, puisque une grande partie des militants des deux associations se connaissaient personnellement ou alors à minima de vue. Et dans ce cadre-là, le chercheur, à mon avis, est confronté à un dilemme. Exposer le cas dans toute sa complexité et très finement serait très explicatif et intéressant sur le plan scientifique. Cela dit, les processus d’anonymisation seraient alors rendus inefficaces au sein du milieu enquêté. Une des solutions pourrait être de modifier certaines caractéristiques sociales pour les remplacer par des caractéristiques équivalentes. Une profession renvoyant à une appartenance sociale pourrait se substituer à la véritable profession. Cela dit, je ne suis pas convaincue par cette solution dans la mesure où je trouve qu’elle pose question concernant la rigueur de l’analyse. Et ce problème de la circulation des informations dans le milieu enquêté, il se pose d’autant plus peut-être aujourd’hui que le cloisonnement entre la sphère scientifique et la sphère publique a été remis en question. C’est-à-dire qu’avec la publication des thèses sur Internet, celles-ci ont de grandes chances de se retrouver à la disposition des personnes concernées. On est bien d que les th et la plupart des travaux en sciences sociales ont une diffusion qui est bien moindre que quelques best de sciences sociales Cela dit, la question qu’on peut se poser, c’est est-ce que c’est parce que la diffusion des thèses est peu importante que cela nous dispense de réfléchir à la question de l’anonymat ? Et par ailleurs, est-ce qu’il faut tout anonymiser au risque de perdre de l’information alors que la diffusion reste assez marginale ? Et moi, je trouve que la diffusion, elle est particulièrement délicate lorsque l’analyse se centre sur des tensions au sein d’un groupe. et là on peut dire que peut-être le principe déontologique de base qui peut être appliqué c’est ne pas nuire en tant qu’ethnographe et comme je l’ai déjà mentionné il y a un conflit dans mon terrain d’enquête qui oppose deux groupes de militants et révéler les discours que tiennent les militants les uns sur les autres pourrait nourrir le conflit et ces tensions elles vont beaucoup se focaliser autour du salarié de la tuerie vélo et des bénévoles. Et comment j’ai résolu cette question ? C’est que les discours tenus s’expliquent par les caractéristiques sociales des enquêtés. et ces caractéristiques sociales sont partagées par les enquêtés qui défendent les mêmes positions dans le conflit. Et les spécificités personnelles des membres des deux groupes n’ont qu’un impact mineur sur leur discours. Et dans ce cadre-là, puisque l’important c’est de mettre en lien discours et caractéristiques sociales, quand j’ai vu que les citations pouvaient potentiellement poser problème. Je n’ai pas indiqué au sein du mémoire de thèse à quelle personne et à quel entretien elle se référait précisément, mais j’ai juste indiqué à quel groupe du conflit entre les deux groupes elle se rapportait. Enfin, nous allons voir les enjeux liés à la réputation des enquêtés au sein de leur milieu d’interconnaissance. Pour les enjeux liés à l’image de soi au sein du milieu d’interconnaissance, le sociologue peut tenter d’apprécier les risques que la publication fait courir aux enquêtés. C’est-à-dire qu’il y a certains enquêtés qui peuvent ne pas souhaiter l’anonymat et qui peuvent souhaiter témoigner en personne et en leur nom de leur expérience. Du côté scientifique, puisque seul le contrôle de l’analyse est important, il est possible de publier évidemment des textes qui mettent en valeur un ou plusieurs enquêtés. Il y a Florence Weber qui donne la charge à l’ethnographe de vérifier que la fierté de l’enquêté à témoigner ne va pas provoquer des moqueries dans d’autres milieux sociaux. Je comprends cette position. Cela dit, je me questionne sur son paternalisme. Est-ce que l’ethnographe serait plus à même que l’enquêté de décider ? C’est un peu paternaliste à mon sens. je vais finir en disant que effectivement les enquêtés ils peuvent ressentir de la gêne à l’idée que leurs connaissances vont apprendre des éléments de leur vie personnelle en lisant la publication et dans le cadre de ma thèse révéler certaines caractéristiques du parcours et des échecs du salarié peut lui poser potentiellement des problèmes d’image de soi. Et ces échecs ont un impact sur son activité salariale, dont sont potentiellement intéressants scientifiquement et sont par ailleurs connus des responsables de l’association et des élus de la communauté d’agglomération. Donc, ce que je me suis dit, c’est que vu que c’est connu, probablement le fait que je le révèle dans la thèse, c’est très peu probable que ça ait un impact en termes de perte d’emploi pour le salarié. Et c’est vrai que c’est quelque chose, je ne savais pas si ça pouvait être dit ou pas, mais je trouve aussi qu’il est possible que le chercheur, donc moi en l’occurrence, projette ce qui est dit cible ou pas sur l’enquêté, mais en investissant pas forcément les représentations de l’enquêter, mais mon propre rapport aux choses, c’est-à-dire, dans ce cas-là, peut-être mon propre rapport à l’école sur l’enquêter. Alors peut-être que l’enquêter, lui, ça ne le dérangerait pas du tout, ce genre de choses. Voilà, je vais m’arrêter là. Merci beaucoup.